À Agnès Varda
Juillet s’étire. La moisson est finie depuis quelques jours. Les ballots de foin se reposent, fatigués, écrasés de chaleur. Dans les greniers, la récolte de grain s’entasse, s’amasse, étouffe même, masse tendue, en attente fiévreuse d’être moulue par le meunier tortionnaire. La moisson est finie.
C’est là que les glaneurs s’avancent dans le champ en quête de quelques épis oubliés sur les bords par l’impitoyable moissonneuse, par l’abominable broyeuse, quelques épis à sauver.
Tel est leur destin. Pas le choix. Les glaneurs glanent par nécessité. Ils ont faim et ils glanent. Ils glanent dans l’été doré, se blessent aux piquants des blés coupés. Jamais ils ne mendieraient, jamais ils ne voleraient. Même s’ils aimeraient bien voler, être ange n’est pas leur destin. Leur destin c’est glaner dans les blés coupés.
Ils reviendront ce soir avec des épis à écraser et à meuler au pilon pour fabriquer une farine épaisse, à eux, bien à eux, et en faire un pain à lever.
Demain ils le cuiront et le mangeront à petites bouchées. Ils mâcheront jusqu’à plus faim cette fragile et éphémère nourriture. Les glaneurs seront repus.
Leur abondance à eux, c’est le peu.
Texte écrit par Marie Remande le 24 juillet 2019, à l’occasion du stage « Danser et écrire au pays de Giono » qu’elle a co-animé dans les Alpes-de-Haute-Provence.